S’émanciper comme Diogène de Sinope
Diogène de Sinope est un philosophe grec ayant vécu au IVème siècle avant J.C (de -413 à -327). Devenu légendaire pour sa vie très atypique, il laissera derrière lui un court héritage controversé dans le courant cynique, bien qu’il en soit considéré comme le père, mais surtout des anecdotes très marrantes.
Né d’un père banquier, il grandit dans un contexte très aisé et jouit d’une éducation dans les règles de l’art. Une fois Diogène jeune adulte, son père est condamné pour création de fausse monnaie. C’est à cet instant que sa vie bascule et que notre futur philosophe est contraint de fuir à Athènes. Une partie de son histoire est floue et très peu documentée, mais il semblerait que ce soit à ce moment-là qu’il découvre le mode de vie anti-matérialiste qui fit sa renommée.
Il vit alors dans une énorme jarre couchée au sol dans les rues de la capitale grecque, vêtu d’un grand manteau comme seul habit. Il ne dispose que d’un bâton, d’une lanterne et d’une écuelle (dont il finira par se débarrasser) pour boire.
Diogène et Alexandre le Grand
L’histoire la plus connue du philosophe reste son échange avec Alexandre le Grand, alors en visite à Athènes pour rencontrer Diogène dont il a entendu les légendes.
Si vous ne le connaissez pas, le voici :
A : “Demande moi ce que tu veux, je te le donnerai.”
- “Ôte-toi de mon soleil.”
- “N’as-tu pas peur de moi ?”
- “Qu’es-tu donc, un bien ou un mal ?”
- “Un bien.”
- “Qui donc pourrait craindre le bien ?”
C’est à ce moment-là qu’il entra dans la légende, Alexandre le Grand ayant dit quelque temps après leur échange qu’il aurait aimé être Diogène.
“Je cherche un homme.”
Sa rencontre avec Alexandre n’était pas un coup d’essai pour Diogène, qui, par le passé, avait déjà longtemps moqué un autre très grand philosophe grec.
Ce philosophe n’est autre que Platon, qui à ce moment théorise un “homme idéal”, ce qui ne plaisait pas du tout à Diogène qui ne voyait que des individualités et des personnes concrètes. Alors il se baladait dans les rues d’Athènes, abordant les gens pour leur dire “Je cherche un homme” ou “Je cherche l’homme de Platon”, il se dit même qu’il aurait déjà fait ça avec un coq déplumé et sans ergots (Platon ayant également dit que l’homme est un “Bipède sans plumes et sans cornes”).
Un fou dans les rues d’Athènes
Plus généralement, il semble évident avec du recul que Diogène n’a fait que sombrer dans la folie. Il passait des journées à se balader dans les rues d’Athènes, à parler de Platon aux passants et d’autres choses sur lesquelles nous n’avons que très peu d’informations.
Il mendiait les statues pour “s’habituer au refus”, mais voulait aussi mener la vie d’un chien, animal qu’il sacralise d’une certaine manière (chose commune à l’époque), demandant à des passants de quelle race de chien ils étaient.
Il ne faut cependant pas se méprendre, Diogène était tout à fait heureux de cette vie dénuée de tout bien matériel. Lorsqu’un athénien demanda à notre philosophe pourquoi il vivait dans une telle pauvreté, il lui répondit sobrement : “Misérable, tu as pourtant vu bien des gens accéder à la tyrannie à cause de la richesse, mais jamais à force de pauvreté”.
Il se dit également que Diogène est devenu un esclave pendant quelques années lorsqu’il tenta de voyager à bord d’un bateau, avant d’être relâché à un âge avancé, mais les informations sur ce sujet sont très peu concrètes.
Mort à l’image de sa vie
La vie de Diogène est si particulière et si peu documentée qu’elle en devient d’autant plus passionnante. Finalement, on ne sait pas grand-chose de lui, quelques anecdotes que je vous ai citées ici ont traversé les âges, mais peut-être ont-elles été romancées, voire dans certains cas complètement inventées (celle d’Alexandre le Grand semble tout de même exacte).
Sa fin de vie est encore plus floue, il décède à l’âge de 86 ans, des sources affirment qu’il meurt mordu par un chien sauvage, d’autres d’une maladie quelconque ou encore d’un suicide. En réalité, on n’en sait pas plus que ça.
Son héritage est indéniable, mais finalement peu connu, les philosophes lui ayant succédé étant en désaccord total avec la plupart de ses idées. Il prônait déjà à son époque l’égalité homme-femme ou encore la liberté totale, loin des conventions sociales. Pour rappel, cet homme a vécu il y a 2500 ans.
Quand on y réfléchit d’un peu plus près, l’enseignement à tirer de la vie de Diogène n’est peut-être pas celui auquel on pense en premier. Bien sûr, sa vie peut nous faire réfléchir sur le consumérisme et l’anti-matérialisme. Ceci dit, la vraie leçon à tirer de la vie de Diogène est peut-être le simple fait de se détacher du regard des gens. Ce que les gens pensaient de lui et de sa vie était la dernière préoccupation du philosophe. Il était un homme atypique et sa vie l’était tout autant. Pourtant, il n’a jamais été question de changer pour l’image que les athéniens se faisaient de lui. Au contraire, c’est peut-être parce qu’il était ainsi qu’il était tant apprécié par ces derniers qui lui pardonnaient toutes ses actions et ses pérégrinations.
Il faut simplement accepter de vivre notre vie comme on l’entend, sans se soucier de ce qu’en pensent les gens. C’est mieux ainsi.
Que l’on s’intéresse ou non à la philosophie, la biographie de Diogène de Sinope fait toujours sourire, et pour cette simple raison, cet homme si particulier restera dans les mémoires encore de longues années.